Le cancer dans la mire

Dans le laboratoire d’oncologie moléculaire du Département de chimie de l'UQAM, Cyndia Charfi, chercheuse associée à la Chaire en prévention et traitement du cancer, et la doctorante en biochimie Narjara Gonzalez Suarez cultivent des cellules souches pré-adipocytaires. On soupçonne les adipocytes – les cellules servant à stocker les gras dans le corps et formant le tissu adipeux – de contribuer à l’instauration d’un environnement favorable au développement de certains cancers. « Le World Cancer Research Fund et l’American Institute for Cancer Research confirment que pas moins de 13 types de cancers sont liés à l’obésité. Comprendre les mécanismes impliqués dans la maturation des cellules adipeuses et élaborer de nouvelles stratégies de ciblage plus efficaces des processus liés à l'obésité pourraient donc prévenir le développement de ces cancers », affirme Borhane Annabi, professeur au Département de chimie et titulaire de la Chaire.

« Réduire les effets d’un environnement obésigène est d’autant plus important que l’on peut le prévenir par l’activité physique et ceci est recommandé par le National Cancer Institute. Rappelons-nous que, selon des données provenant des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains, 40% des cancers détectés aux États-Unis en 2014 étaient directement liés au surpoids », indique son collègue, le professeur émérite du Département de chimie Richard Béliveau, fondateur et directeur scientifique de la Chaire. « C'est plus que le tabagisme! »

On ne cerne pas encore avec exactitude les liens entre le tissu adipeux et la prolifération des cellules cancéreuses, mais la recherche sur ce sujet a énormément progressé au cours des dernières années. Les travaux innovants des chercheurs de la Chaire en prévention et traitement du cancer font partie de ceux qui tentent d'élucider ces mécanismes complexes.

« Un état obésigène favorise l'installation d'un microenvironnement inflammatoire propice à la prolifération des cellules tumorales, explique Borhane Annabi. Sachant que les polyphénols, des composés chimiques présents dans certains aliments anticancer (le resvératrol du raisin, l'épigallocatéchine-gallate du thé vert, le sulforaphane du brocoli, la delphinidine du bleuet, le curcuma et d'autres) contribuent à contrecarrer ces phénomènes inflammatoires, nous tentons d’explorer un peu plus cette avenue. »

Découverte de récepteurs spécifiques

À la Chaire, une dizaine de chercheurs possédant des expertises complémentaires travaillent actuellement sur différents volets de ce programme de recherche. Ensemble, ils ont découvert certains des mécanismes par lesquels ces composés parviennent à inhiber les processus inflammatoires associés au développement tumoral en ciblant des récepteurs spécifiques à la surface des adipocytes matures, mais aussi de certaines cellules cancéreuses.

Grâce à la découverte de ces récepteurs, un médicament chimiothérapeutique conventionnel pourrait avoir des effets cytotoxiques destructeurs sur les cellules tumorales impliquées dans le développement de certains types de cancer : ovaire, sein, endomètre et colorectal. « C'est l'originalité de la technologie que nous sommes en train de développer : elle permet de mieux reconnaître ces récepteurs et d'utiliser la capacité de ces cellules à spécifiquement internaliser nos conjugués cytotoxiques », dit Borhane Annabi.

Cette innovation offre une lueur d'espoir aux personnes atteintes des cancers surexprimant ces récepteurs et qui ne répondent plus aux traitements anticancéreux traditionnels. « Dans certains cas, les cellules cancéreuses acquièrent des mécanismes leur permettant de résister à l'effet cytotoxique des médicaments, note le professeur. Grâce à notre stratégie, nous sommes en mesure de contourner ces mécanismes de résistance. »

Réduire les effets secondaires

Ces recherches visent à optimiser l'effet des médicaments anticancer, précise le chercheur. « Notre but est de cibler - grâce à des combinaisons de peptides couplés à des agents cytoxiques ou à des composés phytochimiques – des récepteurs spécifiques à la surface des cellules, là où ils sont particulièrement abondants par rapport aux tissus sains. Avec un rayon d'action plus ciblé, on réduit les effets délétères souvent associés à la chimiothérapie. »

« Avec notre stratégie de ciblage, le médicament pourra être livré spécifiquement dans les cellules à détruire et très peu ailleurs, ce qui en fait un traitement à la fois plus efficace et plus sécuritaire », souligne Borhane Annabi.

Recherche, obésité pandémique et activité physique

Pour lutter contre le fléau du cancer, en plus de médicaments plus efficaces, il faut aussi des stratégies liées aux habitudes de vie : améliorer son alimentation et faire davantage d'exercice. « Les niveaux pandémiques atteints par le surpoids et l'obésité ont conduit à une augmentation spectaculaire de l'incidence de plusieurs maladies associées, dont plusieurs types de cancers. C'est ce qui renforce notre lien avec Nautilus Plus, un partenaire qui apporte un soutien important à nos recherches depuis plus de 10 ans », mentionne Borhane Annabi. Depuis 2008, l’activité 30 minutes à fond pour le Fonds organisée par Nautilus Plus au profit de la Chaire mobilise des milliers de personnes à travers le Québec, chaque participant devant brûler un maximum de calories en 30 minutes. L’événement a permis de remettre près de 2,5 million de dollars au Fonds Richard Béliveau de la Chaire en prévention et traitement du cancer.

L'obésité, rappelle le fondateur de la chaire, favorise non seulement l'apparition du cancer, mais un ensemble de maladies chroniques. « Les données scientifiques concernant les effets catastrophiques de l'obésité sur la santé sont actuellement aussi solides que celles qui existaient à l'époque sur les méfaits du tabagisme », dit Richard Béliveau. Qu'attendons-nous, comme société, pour réagir?

La Chaire en prévention et traitement du cancer est l’un des projets phares de la campagne majeure 100 millions d’idées. Contribuez à la poursuite des activités de cette Chaire essentielle, qui fait avancer la recherche sur cette maladie responsable d'un décès sur six à travers le monde en faisant un don en ligne.

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Photo : Nathalie St-Pierre

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