Pour Madioula Kébé-Kamara, la littérature est bien plus qu’un champ d’étude : c’est un espace d’émancipation et de réparation. Avec Maude Lafleur, directeurice littéraire, auteurice et chargé·e de cours à l’UQAM, elle signe la création de la bourse Diverses Syllabes, un geste d’engagement destiné à encourager les étudiantes autochtones et issues de communautés minorisées dans le domaine des études littéraires.
« Cette bourse est née d’un même élan, explique Madioula. Elle s’inscrit dans la mission de la maison d’édition Diverses Syllabes, que nous avons cofondée en 2020, et qui vise à offrir un espace légitime et nécessaire aux voix minoritaires dans le paysage littéraire québécois. »
Un geste de reconnaissance et de transmission
Le choix de passer par la Fondation de l’UQAM s’est imposé naturellement. Madioula connaissait déjà la portée de son action : en 2023, elle avait elle-même reçu une bourse institutionnelle de soutien à la réussite à la maîtrise en études littéraires. « Cette expérience m’a profondément marquée, confie-t-elle. J’ai réalisé combien un geste philanthropique pouvait transformer un parcours, donner confiance, et permettre à quelqu’un de se sentir pleinement à sa place dans le monde académique. »
La création de la bourse Diverses Syllabes est donc aussi un acte de reconnaissance et de transmission. En s’associant à la Fondation, Madioula et Maude souhaitent offrir un appui concret aux étudiantes minorisées, mais aussi envoyer un message d’encouragement et de fierté. « Nous voulons que les récipiendaires sentent qu’elles appartiennent à cet espace, qu’elles y ont toute leur légitimité », souligne Madioula.
Du monde de la finance à celui des lettres
Avant d’être écrivaine, éditrice et donatrice, Madioula Kébé-Kamara a connu une tout autre vie professionnelle. Diplômée en comptabilité et finances, elle a travaillé plus de dix ans dans le secteur bancaire, entre Paris et Montréal. « J’avais choisi cette voie pour la sécurité qu’elle offrait, mais la littérature n’a jamais cessé de m’habiter », raconte-t-elle.
Son grand virage s’opère à l’UQAM, où elle entreprend un baccalauréat en études littéraires avec une concentration en études féministes, avant de poursuivre à la Maitrise en recherche-création aux études littéraires avec une concentration de 2e cycle en études féministes par l’intermédiaire de l’Institut de recherche et d’études féministes (IREF). Ce retour aux études lui permet de renouer avec la création, de réfléchir à la représentation des voix marginalisées et de donner une nouvelle direction à sa vie professionnelle.
C’est aussi à l’UQAM que se concrétise l’idée de Diverses Syllabes, maison d’édition fondée à l’été 2020 par Madioula et Elise Achille, Sayaka Araniva-Yanez, Emanuella Feix, Cato Fortin, Natasha Kanapé-Fontaine, Brintha Koneshachandra, Maude Lafleur et Paola Ouédraogo. « Nous voulions créer un lieu où les femmes autochtones, les femmes racisées et les personnes minorisées dans le genre puissent s’exprimer librement, dans un climat bienveillant et inclusif », explique Madioula.
Une voix engagée pour l’inclusion
En tant que femme noire immigrante, Madioula a dû relever de nombreux défis : la complexité du processus d’immigration, le coût élevé des études, l’accès restreint aux bourses et la difficulté de se sentir pleinement légitime dans le milieu universitaire. « Ces obstacles m’ont appris la patience et la résilience. Ils m’ont aussi convaincue de l’importance de soutenir celles qui suivent ce même chemin. »
L’UQAM a joué un rôle déterminant dans son cheminement. C’est là qu’elle a trouvé un environnement stimulant, où la diversité des parcours et des corpus est accueillie avec ouverture. « J’y ai rencontré des professeures, des chargé·e·s de cours et des étudiant·es engagés pour une université plus inclusive. Ces échanges ont nourri mes convictions et mes actions. »
Transformer le monde par les mots
Pour Madioula , soutenir la diversité dans les milieux universitaires et littéraires, c’est refuser le silence et revendiquer la pluralité des voix. « La littérature a ce pouvoir de transformation, dit Madioula. Elle peut guérir, rassembler et ouvrir des chemins nouveaux. »
Si elle devait résumer son parcours en une phrase, elle emprunterait à L’Alchimiste de Paulo Coelho :
« L’alchimie, c’est de transformer le plomb en or, mais aussi de transformer notre vie en quelque chose de précieux. »
Avec la bourse Diverses Syllabes, Madioula Kébé-Kamara et Maude Lafleur transforment leur engagement en or : un or symbolique, fait d’écoute, de solidarité et de transmission, pour que d’autres, à leur tour, puissent écrire, rêver et transformer le monde à travers leurs mots.
